Carnet de route

EUROPE

PAPILLON VOLE...
J-1!      
    

    Après 9 mois de gestation, de préparation, de plans (pas sur la comète, n'en déplaise aux sceptiques!), voilà que le Grand Jour approche. Tout arrive!
    Par où commencer, en cette veille de départ? Nous avons l'impression d'avoir tout dit sur ce projet, nous l'avons tant de fois expliqué! Cependant, tout reste à faire: "pédaler, pédaler, pédaler...".
    Si le vrai départ a lieu demain, l'aventure humaine a pour nous déjà commencé, ce qui nous amène à l'objet principal du texte de ce jour: vous dire un grand MERCI. Merci à tous ceux qui, de près ou de loin, se sont d'ores et déjà impliqués dans ce projet: en nous aidant, en nous conseillant, en nous encourageant. Merci à ceux qui nous soutiennent, croient en nous, en ce projet, et savent surtout que peu importe ce qu'il adviendra, le principal étant d'oser. Car comme le disait Paul-Emile Victor: "la seule chose qui soit d'avance vouée à l'échec, c'est celle que l'on ne tente pas".

Certains méritent une mention spéciale : un GRAND MERCI à

- cycles Tuyttens (Mouscron) et Ladeveze (Marcq-en-Baroeul) pour la préparation des vélos et les conseils avisés
- Michel Chenaud, médecin de son état, qui nous éclaire de ses lumières côté santé
- François-Marie, capétien tout frais, qui dessina le logo qui symbolise notre périple
- la joyeuse équipe de Carrefour Wasquehal, dont l'enthousiasme et la ferveur nous ont beaucoup touchés
- Rose-Marie, Nathalie(s) et Christine, collègues de la maman de Thomas, que nous ne connaissons pas encore mais dont les cris d'encouragement sont parvenus jusqu'à nous
- Sophie, la maman de Cha, qui garde les meubles et qui a mis à notre profit ses talents de couturière
- Michel, le papa de Thomas, qui passe beaucoup de temps à gérer ce site, ce pont entre vous et nous; et Patricia, sa maman, qui le supporte quand ça bugge, qui garde Vlasta et développera les photos
- à Sylvie, la marraine de Thomas, Frédéric, le parrain de Cha et Christiane (la belle-soeur de Sylvie), dont les témoignages de soutien nous ont particulièrement émus
- à Elodie, Bérangère, Séverine, Emilie et Camille, qui y ont toujours cru
- à nos familles et nos amis qui remplissent bien leur rôle et nous entourent de leur amour
- à tous ceux qui seront là demain...
- à tous ceux qui seront là au retour
- à tous ceux qui viendront ici
- à tous ceux que nous avons oubliés mais qui doivent savoir que chaque mot d'encouragement, chaque marque d'affection est un carburant pour nous

Enfin, nous tenons à dédier ce départ à Lionel, qui fut l'un de nos premiers soutiens et qui nous manquera demain plus encore...

Que cette ballade à l'africaine soit pour vous source de joie, de rêve...

TOM et CHA, le 02/07/2005

dimanche 3 juillet 2005                               JOUR J                                environ 95  km parcourus

Ils sont partis aujourd'hui à 12H.
Dès que possible, les photos du départ seront mises en ligne dans la rubrique prévue à cet effet.
Encore un GRAND MERCI à tous ceux qui se sont déplacés pour les soutenir et à ceux qui étaient avec nous par la pensée.

lundi 4 juillet 2005                                                                                         environ 60 km parcourus

Les premières nouvelles à 19H15!
Charlotte et Thomas ont bien roulé. Hier soir, ils se trouvaient à Valenciennes où ils ont planté la tente sur le terrain de particuliers, dans un lotissement. Apparemment, ils ont quand même été moins touchés par les gros orages qui ont déferlé sur la région lilloise.
Aujourd'hui, ils ont attendu jusqu'à la fin de matinée que les intempéries se calment avant de reprendre la route. Ils ont vont dormir à mi-chemin de Maubeuge et Chimay, à Solre-le-château.

 

mardi 5 juillet 2005                                                                                        environ 75 km parcourus

Arrêt du soir à Bourg-Fidèle dans les Ardennes.

 

merdredi 6 juillet 2005                                                                                environ 90 km parcourus

Arrêt du soir à Lamoully dans la Meuse. 

 

jeudi 7 juillet 2005                                                                                         environ 45 km parcourus

Appel de la gare de Longuyon (Meuse) où ils décident de prendre le train pour Metz avec nuit en hôtel F1 à cause des intempéries; ils en profitent pour prendre leur 1ère  douche et faire un peu de lessive.

 

vendredi 8 juillet 2005                                                                                                                   

Journée détente. Ils ont rejoint Strasbourg en train, ont fait quelques emplettes et nous ont envoyé des nouvelles par e-mail. Demain, passage en Allemagne prévu.

Ecrit le vendredi 8 juillet de Strasbourg 

Nous sommes partis il y a 6 jours, nous avons parcouru 577 km, dont environ 350 pédalés

JOUR J

    Les 12 coups de midi sonnent sur la Grand'Place de Lille en ce dimanche 3 juillet et, comme Cendrillon dans son carrosse, nous avons à partir avant de nous transformer en palmiers, enracinés parmi notre famille et nos amis réunis pour l'occasion.
    Car vous êtes nombreux à être venus nous soutenir, de tous horizons, de loin ou en voisins, familiers ou non.
3/4 d'heure pour se dire au revoir, c'est court: dans un état second, sans trop réaliser ce qui nous arrive, nous ne savons pas où donner de la tête. Il faut voir tout le monde, emmagasiner les derniers conseils, faire les guignols pour détendre l'atmosphère. Une dernière photo, quelques détails à régler, et vogue la galère!
    1er coup de pédale, après les derniers bisous, les yeux embués, sous vos applaudissements: nous partons.
    1er feu rouge, on s'arrête, on se retourne, vous n'êtes déjà plus visibles: nous sommes partis.
    La tête encore pleine de vos témoignages d'affection, de vos regards, je me retourne vers Charlotte:
    - Qu'est-ce qu'on fait là?
    - On va vers Valenciennes, me répond-elle. 
    Quelle fraîcheur! 
    Je voulais dire:
    - Dans quoi est-ce qu'on s'engage?
    Un couple nous interpelle:
    - Vous partez où?
    Réponse en choeur:
    - En Afrique!

LE QUOTIDIEN

    Pour beaucoup de gens, notre voyage paraît difficile parce qu'on le fait à vélo. Mais pédaler, somme toute, c'est (plus ou moins) facile, c'est mécanique, c'est comme dans le Monde de Némo: "Nage droit d'vant toi".
    Là où tout se complique, c'est quand on met pied à terre: il faut encore trouver la force, puis le moyen de chercher à boire, à manger, un endroit où se soulager, où installer la tente, etc...
    La météo retrouve toute son importance dans ces tâches quotidiennes: difficile de planter la tente (et surtout de la "déplanter") sous une pluie infernale, comme lundi matin, ou de mettre en route le réchaud par grand vent, comme mercredi soir.
    Tous les soirs, il faut trouver un jardin où se poser: ça va assez vite en général, mais nos "hôtes", s'ils concèdent à nous prêter leur carré de pelouse, ne sont pas tous accueillants pour autant.
    Lundi soir, c'est la fête: la famille nous offre pain, saucisses et fromage, nous fait entrer dans le salon où boissons chaudes et tarte nous attendent. On peut aussi faire le plein d'eau, aller aux toilettes. Nous passons la soirée au chaud, à discuter: tous les soirs comme ça, ce serait une sinécure!
    Mercredi en revanche, le réchaud ne fonctionne pas, le ciel est menaçant et les gens qui nous ont "accueillis" dans le jardin de leurs voisins (partis en vacances) nous ignorent consciencieusement.
    La qualité du quotidien est donc fonction de la générosité des personnes rencontrées: de ce point de vue, il faut avouer, au bout de seulement quelques jours, que la France est, dans l'ensemble, plutôt décevante.

LA FRANCE PAYSAGERE

    De notre traversée furtive de la France, suivant une ligne Lille-Strasbourg, nous retiendrons 2 choses: le "plat pays" et les Ardennes.
    Le premier parce qu'il est plat et qu'à vélo, c'est hautement appréciable... et rare!
    Les secondes se chargent d'ailleurs de nous le rappeler. Cependant, les difficultés ne nous empêchent pas d'admirer les paysages. C'est plutôt rassurant, quand on voyage à vélo, de voir qu'on ne reste pas le nez dans le guidon, les yeux fixés sur le compteur.
    Nous apprécions les forêts sombres plantées de conifères qui bordent les routes ardennaises. Le massif est aussi pour nous l'occasion de réviser notre géographie sur le terrain: nous passons la ligne de partage des eaux Seine/Meuse, le 50ème parallèle Nord, et trouvons même la source de l'Oise.
    L'Histoire n'est pas en reste: châteaux médiévaux, abbayes et fortifications se succèdent. A Villy-la-Ferté, nous nous arrêtons au fort qui formait la pointe ouest de la ligne Maginot, tombé en juin 1940: un mémorial y est élevé, en rase campagne, aux 104 braves qui sont morts en le défendant, asphyxiés dans les souterrains du fort. L'Est de la France est marqué par les deux guerres mondiales et traverser ces terres chargées d'histoire ne nous laisse pas indifférents.

GALERE

    Jeudi matin. Il fait froid, pluvieux, venteux et on se tape une nationale qui nous offre toujours le même paysage, que l'on traverse à coups de côtes à 9 km/h et de descentes à 50km/h.
    Les Français n'ont, vu d'ici, d'autre objectif apparent dans la vie que de piquer des pointes avec leurs grosses bagnoles puantes. Pas un sourire, pas un bonjour, pas un encouragement, pas un mot pour ces deux bougres qui enquillent sous la pluie (il faut croire qu'ils ont tout donné aux coureurs du Tour de France!).
    Que des regards furtifs, soupçonneux, froids, désintéressés. Le manque de curiosité, d'ouverture, de générosité des gens ce matin est accablant. Du coup, dans un paysage morne et désolé, sous une pluie battante, qui nous poursuit depuis 3 jours, où le froid ambiant le dispute à la froideur des gens, en enchaînant les côtes sur une route râpeuse, avec des collines toutes semblables à perte de vue: Ras-le-bol de la France! Envie d'exotisme.
    On s'arrête manger sur le parking d'un supermarché qui vient de nous fermer au nez et la responsable, qui nous a vus mais nous ignore aussi, ferme le rideau de fer sous lequel nous nous trouvons. Thomas l'engueule à travers la vitre. Sourire stupide, style: "mais vous n'avez pas de place dans mon petit quotidien, je ne suis pas paramétrée pour parler à des étrangers à vélo". Navrant.
    On finit par gagner la gare du coin pour rallier Metz en train. Là, nous nous offrons, aux frais de la princesse (Cha avait gagné des chèques-vacances que nous devions liquider avant de passer la frontière), une nuit d'hôtel. Attention, pour nous, "nuit d'hôtel" signifie douche, chaleur... et lessive (les sous-vêtements ont séché toute la journée à l'arrière des vélos: c'est la tendance de l'été)!
    Au téléphone, on nous apprend ce qui s'est passé à Londres: nous sommes un peu déconnectés, mais le monde ne change pas.
    Vendredi midi, nous prenons à nouveau le train pour Strasbourg: nous voulons quitter la France au plus vite, vers d'autres horizons enfin. Nous reprendrons la route demain matin (samedi), vers le Danube, via la Forêt Noire, Dachau, etc... C'est déjà plus motivant!
    A bientôt!

 

samedi 9 juillet 2005                              ALLEMAGNE                           environ 10 km parcourus  

    Aujourd'hui, ils sont passés en Allemagne.

    Après une dizaine de kms, problème de sacoches; achat de nouvelles sacoches et remise en ordre des affaires.
    Dormi à Kehl dans un jardin après s'être faits "jeter" au moins six fois.

 

dimanche 10 juillet 2005                                                                             environ 60 km parcourus

    Anniversaire de Thomas.

    Thomas a pu goûter la Forêt Noire mais cette fois c'était la vraie!
    Comme autre cadeau il a eu une crevaison; redémarrage sous un orage avec pluie. Le soir, ils se sont incrustés dans un jardin.

 

lundi 11 juillet 2005                                                                                      environ 90 km parcourus

    Le soir, ils sont à Rottenburg.
    Un ouvrier les a emmenés dans le jardin d'un copain, immigré yougoslave. Le lendemain, cette personne leur a offert le café, 1/2 l de schnaps et des légumes du potager. Sympa, non?

 

mardi 12 juillet 2005                                                                                     environ 60 km parcourus

    Le soir, ils sont à Romerstein.
    Ils ont droit à un menu "jardin + eau +douche". Ambiance sympa ...

 

mercredi 13 juillet 2005                                                                              environ 90 km parcourus

    Passé le Danube à Ulm.
    Le soir à Grunzburg, accueil dans le jardin d'une personne très hospitalière : partage du repas, douche et discussion.

 

jeudi 14 juillet 2005                                                                                    

    Fête nationale voire internationale car Charlotte et Thomas nous appellent de chez les grands parents de leur hôte de la veille, petit déjeuner offert. Beau temps depuis hier, très beaux paysages et des pistes cyclables!  Départ pour Munich.

 

samedi 16 juillet 2005                                                                                                                   

    Nous sommes partis il y a 14 jours. Nous avons parcouru 1035 km

Ecrit le samedi 16 juillet de Munich 

ZUM GEBURSTAG...KEIN GLUCK!

    Devinez quel est le gâteau préféré de Thomas? La forêt noire. Et devinez ce que Cha lui a offert pour son anniversaire? La Forêt Noire, la vraie, le massif allemand, der "Schwarzwald"!
    Imaginez: il est 19 h, la température ressentie ne doit guère dépasser 15 degrés, il tombe des cordes, l´orage gronde au-dessus de votre tête et vous terminez ainsi la plus longue journée d'anniversaire de votre vie! Tout avait pourtant bien commencé: par une belle matinée ensoleillée, nous divaguions parmi les vergers, entre le Rhin et la montagne, cueillant cerises et groseilles.
    A midi, encore ignorants du sort qui nous attend, nous déjeunons et somnolons un peu avant de reprendre la route.
    Vers 14 h, tout bascule. S'amorce alors ce qui s'avère jusqu'ici être la pire côte que nous ayons eu à affronter: 4h à pousser 80kg de Thelma et Louise à 5 km/h, sous un soleil accablant.
    Vers 18h, alors que le sommet salvateur se profile a l'horizon, c'est le drame: le pneu arrière de Thelma est à plat. Démontage de la roue, réparation laborieuse, non sans moult soupirs et lamentations de la part de Tom. C'est alors que l'orage nous surprend, sans abri, dépités, au sommet de la montagne: prochain village,
8 km.
    Nous terminons la journée trempés, frigorifiés par la descente à plus de 40 km/h, seuls, au fond de notre tente, avec un paquet de chips...
    Joyeux anniversaire Thomas!
    PS: j'ai cependant gardé à l'esprit que vous pensiez à moi, en ce 10 juillet; une semaine plus tard, j'ai enfin pu lire vos messages avec grand plaisir.
    Vous comprendrez que je ne peux malheureusement pas répondre individuellement à chacun, mais le coeur y est: MERCI

THELMA ET LOUISE

    "Quant à nous, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes!"
    Dimanche, nous nous sommes laissées pousser pendant 4h! La pédale!
    Samedi déjà, Tom et Cha nous avaient entièrement rhabillées, en Ortlieb s'il-vous-plaît! En effet, le "pari Agu" s'est avéré mauvais: les sacoches menaçaient de se déchirer. Du coup, Tom et Cha ont préféré anticiper en investissant dans la marque la plus réputée sur le marché: Ortlieb. Cependant, comme l'a dit Christian, le gentil vendeur de vélos de Kehl, "ils auraient pu gagner" leur pari, car "Agu" est une marque réputée également... Mais à l'avenir, vélos de tous pays, exigez Ortlieb!
    Réclamez aussi l'Allemagne: ici, vraiment, nous méritons notre surnom de "petites reines" du bitume. Tout est prévu pour nous: parkings fréquents, respect des automobilistes et surtout, surtout, des pistes cyclables réservées et séparées des routes. Rendez-vous compte: Strasbourg-Munich à 95 % via des "Farrhadweg".
    Le long du Neckar, douce attention, les panneaux indiquaient même le "Neckartalradweg", c'est-à-dire la piste cyclable du talweg ( c'est la ligne qui relie les points les plus bas de la vallée, en général occupée par un cours d'eau, comme le Neckar)!
    De manière générale, les Allemands semblent concernés par les questions relatives à l'environnement: les modes de circulation douce sont valorisés et utilisés largement, les toits en photovoltaïque sont pléthore et une consultation populaire est même organisée ces jours-ci à propos des antennes pour téléphones mobiles (et leur impact sur la santé).
    Exemple à suivre, voire à creuser...
T & L

"DAS WEG IST DIE REISE" (Goethe)

    Les Allemands, semble-t-il, ont organisé pour nous un concours national d'hospitalité! Rien ne le laissait pourtant présager: 1er soir, nous essuyons 5 refus avant de trouver enfin un jardin où planter la tente;
2e soir, aucune marque d'intérêt de la part de nos "hôtes".
    Cependant, dès mardi matin s'engagent de véritables enchères. Bosco nous propose alors un café et ne nous laisse pas repartir sans un demi-litre de schnaps yougoslave, ainsi que trois énormes cornichons et autant de courgettes issus du potager. Gratitude.
    Mardi soir, nous gagnons au premier coup et les gens ont l'air tellement sympathique que nous osons demander une douche qui nous est aussitôt accordée. Bien-être.
    Mercredi soir, Angie nous accueille avec son petit ami. La soirée se passe autour d'une bière et d'un plat de pop-corns, à discuter à bâtons rompus. Le lendemain matin, Angie part tôt pour l'école; qu'a cela ne tienne, ce sont ses grands-parents qui nous offrent le petit-déjeuner dans la maison voisine. Nous y restons 3 h à discuter, le temps de dévorer leurs énormes et succulents Bretzels beurres et même d'appeler nos parents! Nous repartons douchés et repus, avec des sandwiches pour le midi. Grands signes de la main.
    Jeudi soir, la chance nous sourit à nouveau: Karin et Martin nous invitent gentiment à manger avec eux et leurs enfants. Nous irons même, la nuit venue, au cinéma de plein air installé sur la place du village, voir "Fluchte des Carribean". Nous dormons dans la chambre d'amis. Bonheur. Quand nous les quittons le lendemain matin, le ventre plein et le coeur serré, nous pensons qu'il est impossible que la série continue.
    C'est sans compter sur Anke et Peter qui nous invitent vendredi soir pour un barbecue! Ce matin, nous avons pu consulter nos mails de chez eux, et faire une lessive. Ils vont même jusqu'a nous donner de l'argent de poche pour se payer un café à Munich! Comment remercier?
    Souvent, nos hôtes nous demandent comment nous avons choisi leur maison. comment expliquer la somme de hasards qui nous mène a eux? Ces rencontres sont riches, pour nous bien sûr mais, nous disent-ils, pour eux aussi: nous nous côtoyons quelques heures à peine mais nous échangeons beaucoup et l'amitié fleurit vite.
    A tous, nous promettons d'envoyer une carte de Cape Town, dans un an. Car, comme nous l' a rappelé Peter en citant Goethe, si le Cap de Bonne Espérance est notre but géographique, ce sont ces rencontres, sur notre chemin, qui font notre voyage.

DACHAU

    Pour nous, Français, ce nom est indissociable des atrocités de la seconde Guerre Mondiale. Les Allemands, eux, ne comprennent pas tout de suite ce que nous voulons voir à Dachau. D'ailleurs, la politique de la ville est visiblement de tenter de changer d'image, de valoriser d'autres activit&s touristiques (cela se comprend).
    Entrer dans un camp de concentration, c'est rendre concrète une partie de l'Histoire qui, dans notre scolarité, nous a profondément marqués.
    C'est voir "l'endroit où". C'est regarder des murs en tentant de s'imaginer ce que d'autres, en d'autres circonstances, ont pu ressentir en les regardant. C'est entendre ses propres pas sonner dans un couloir du bâtiment des prisonniers "spéciaux" (c'est-à-dire torturés par les SS) en se demandant ce que signifiait alors pour eux, seuls dans leur cellule, ce fonds sonore et régulier.
    C'est passer de l'autre côté de l'enceinte du camp en sachant combien d'autres ont pu rêver de le faire. C'est regarder le ciel en se disant qu'on est libre et qu'on ne souffre pas, en se souvenant qu'il y a peu de temps, d'autres hommes l'ont regardé en rêvant d'être ailleurs.
    C'est enfin entrer dans une chambre à gaz en étant conscient, en étant conscient.
    C'est se jurer, si ce n'était déjà fait, de ne pas oublier.
    C'est indescriptible, c'est fort, c'est à faire: mais en-dehors de la saison touristique, ce qui vous épargnera le navrant spectacle de vacanciers en claquettes qui posent en souriant devant les fours crématoires...

 

dimanche 17 juillet 2005                                                                          environ 100 km parcourus

    Ils ont parcouru 103 km en suivant l'Isar et dormi à Niederaichbach ( près de Landshut)

 

lundi 18 juillet 2005                                                                                   

    Ils ont parcouru 1138 km au total. Direction l'Autriche, Vienne, via Passau en suivant le Danube.

 

mercredi 20 juillet 2005                         AUTRICHE                                               

    Tout va bien. Ils sont à Linz(Autriche) et ont fait environ 1380 km. Le concours d'hospitalité semble terminé donc ils ont inauguré le camping sauvage (à proximité des maisons pour la sécurité), sauf hier soir où ils ont disposé du jardin.
     En ce moment ça roule très bien: ils ont longtemps suivi le cours de l'Isar en Allemagne et, depuis Passau, c'est le Danube qui les sauve du relief autrichien!
    Ils ont passé la frontière ce matin et comptent être à Vienne ce week-end.

samedi 23 juillet 2005                                                                                   

Ecrit le samedi 23 juillet de Vienne 

    Nous sommes à Vienne!!

    1 600 km passés

    Tout va bien, le temps est frais, on a rencontré une famille sympa mais on fait beaucoup de camping sauvage. On va rester ici 2 jours et on repartira lundi.
    L'itinéraire a un peu changé: on passe par l'intérieur des Balkans: Danube jusqu'a Belgrade.
    Hongrie, Serbie, Macédoine, Grèce.

jeudi 28 juillet 2005                                   HONGRIE

    Nous sommes partis il y a 26 jours

    Nous avons parcouru 1920 km ....

    et sommes à Budapest

Ecrit le jeudi 28 juillet de Budapest 

Ô DANUBE

    Nous te devons bien cet hommage, toi qui nous as épargné le relief autrichien. Car la Terre, qu'on se le dise, n'est pas "bleue comme une orange", comme l'affirmait Eluard, mais plutôt comme un ananas: c'est-à-dire truffée de pics...
    Or, de ce point de vue, le Danube offre pour nous 2 avantages: d'abord il est le seul grand fleuve européen à couler d'ouest en est (droit vers Budapest!). Ensuite, il traverse un des pays au relief le plus tourmenté d'Europe: l'Autriche.
    La première fois que nous l'avons rencontré, c'était à Ulm, en Allemagne. Il faut avouer que ça en jetait: avec nos 
2 petits vélos, à la force de nos 4 petites jambes, nous étions arrivés sur les bords de ce fleuve mythique, synonyme d'ailleurs, prometteur d'un dépaysement baroque.
    Puis, comme souvent dans les histoires qui durent, nous nous sommes perdus de vue.
    C'est à Passau que nos chemins se sont à nouveau liés. Depuis lors, nous avons vécu 700 km d'une intense relation, qui nous mena jusqu'à Vienne et Budapest en passant par Bratislava. Nous passerons sous silence 2 petites infidélités qui nous ont valu quelques belles côtes...
    Mettons les choses au point cependant: sur 700 km, il va de soi que le paysage n'est pas époustouflant en permanence. Quant à l'aspect exotique, au quotidien, il s'émousse un peu. Mais pour qui veut s'offrir l'escapade romantique vers Vienne, le "Donauradweg" qui longe le fleuve à travers tout le pays remplacera avantageusement une croisière sur ses eaux. Le paysage alterne les coins sauvages et montagneux aux bars à bière, les marécages protégés aux bases de loisirs, sans oublier, au détour d'un méandre, les vieilles villes typiques avec leurs façades colorées et leurs églises habillées de dorures et de vert-de-gris.

Avis aux amateurs...

LES FRANCAIS PARLENT AUX FRANCAIS

    Le hasard, c'est connu, fait bien les choses. Il nous avait déjà réservé quelques belles rencontres avec des familles allemandes et autrichiennes.
    A Vienne, il a changé de stratégie, en nous mettant en relation avec nos pairs: des cyclotouristes français.
    C'est Didier qui ouvre le bal, ou plutôt la valse. 10 km avant Vienne, pause pipi: un type s'approche de Cha avec son vélo:

    "- Where do you come from?
     - France
     - Vous êtes français? Moi je suis de Lyon!"

    Nous passons toute la journée ensemble, à échanger conseils et avis. Didier a 41 ans et il effectue un tour d'Europe à vélo: vers le Cap Nord, puis les pays baltes, en passant par la Pologne, il a déjà parcouru 10 000 km en un peu plus de 3 mois! Précisons que, lors de notre rencontre à Vienne, il est littéralement sur les rotules! Didier est un forçat du vélo et rien ne lui plaît tant qu'une côte à 10% !
    Nous nous quittons le soir venu, très heureux et plus riches de cet échange qui nous fait prendre conscience que nous faisons dorénavant partie de ces cyclos au long cours.
    Le lendemain, le hasard place Rose et Cyrille sur notre route: ce sont deux parisiens qui rallient la Pologne à vélo pour un forum d'esperanto. Beau symbole pour nous que cette rencontre avec une langue qui "n'appartient à aucune nation mais à tous les peuples". Nous parcourons un bout de chemin ensemble, devisant sur nos expériences respectives. Une fois de plus, nous sentons que nous parlons la même langue (non pas l'esperanto mais le "cyclo", tout aussi universelle!).
    Nous les retrouvons le lendemain, au hasard d'une rue de Bratislava, où nous improvisons un meeting franco-français avec un couple de touristes nîmois qui, ayant reconnu la langue, s'approchent spontanément.
    Cette suite de rencontres, depuis le début de notre périple, nous donne envie de plagier Saint-Exupéry: il n'y a pas de hasard, il n'y a que des forces en marche, et c'est à vous de les créer...

VIENNE

    Vienne, pour nous, c'était un peu comme Venise ou Paris: la ville romantique, où nous pourrions déambuler avec notre amour, Thelma, Louise et même Didier pour la journée de samedi!!
    Samedi soir, néanmoins, nous nous rattrapons avec la retransmission d'un concert de Diana Krall sur l'une des places de la ville.
    S'ensuit une traversée de Wien "by night" pour aller planter la tente dans un parc.
    Le lendemain, dimanche, est consacré à la visite proprement dite. Comme nous sommes inséparables de nos "camping-bikes", nous devons nous "contenter" du plein-air (hors de question d'investir les musées avec tout notre barda: "Oh des Romanichels!").
    Cela dit, c'est le meilleur moyen pour tenter de sentir l'ambiance d'une ville: nous quittons donc les sentiers battus pour nous perdre dans les ruelles de la vieille ville.
    Vienne est, sans conteste, une très belle ville: les grands monuments en imposent, avec leurs façades blanches richement décorées, et un charme très germanique se dégage des ruelles et des parcs très ordonnés.
    De plus, la ville n'est pas gangrenée par la voiture ("le bruit et l'odeur") comme c'est le cas de Paris. Toutefois, nous n'y retrouvons pas l'ambiance si particulière qui fait le charme d'une ville comme Paris. Nous quittons donc Vienne ravis mais un peu sur notre faim, sans savoir si cette impression subjective n'est pas simplement le fait de la rapidité de notre passage...

ZU FRIEDEN

    Dachau avait été l'occasion d'une réflexion sur le passé de l'Europe et sur les fondements de son union. Le Danube, trait d'union qui court de l'Allemagne à la Roumanie en passant par des pays aussi différents que l'Autriche et la Slovaquie, en est une deuxième.
    Comment ne pas se souvenir, en passant la frontière slovaque si facilement, du récit de Thomas, un "Ossi" (Allemand de l'Est), rencontré à Munich et qui, il y a moins de 20 ans, avait risqué sa vie pour passer à l'ouest via la Tchécoslovaquie?
    L'Europe, pour nous, c'est d'abord un détail pratique: comme nous regrettons l'euro quand il faut sans cesse faire la conversion en couronnes slovaques ou en forint hongrois...
    C'est aussi et surtout un point commun avec les personnes que nous rencontrons, avec lesquelles nous discutons de la PAC, de la Constitution... Mais ce n'est pas l'uniformisation, car les différences culturelles entre les allemands et nous existent toujours et nos échanges sont riches.
    L'uniformisation, la vraie, ce sont les Mac Do que nous rencontrons tout autant à Vienne qu'à Bratislava ou Budapest et qui étaient là bien avant que la Slovaquie n'entre dans l'Europe. C'est aussi, dans la rue commerçante de Vienne, Thomas qui se retourne vers Cha en lançant: "Oh la rue de Béthune!" (Lille).
    Mais quand on voit le niveau de vie en Slovaquie, ou quand Didier raconte les états baltes, on ne peut que se féliciter de leur entrée dans l'Europe et leur souhaiter le même sort qu'à la Grèce ou à l'Espagne.
    Angie, une de nos jeunes hôtesses allemandes, nous avait demandé ce que les Français pensent de l'Allemagne, à cause de Hitler: nous lui avions répondu que c'était du passé et que l'avenir, c'est l'Europe.
    En Autriche, sur le bord des routes, nous croisons de multiples affiches: "ZU FRIEDEN" 
("à la paix"): l"Autriche fête 60 ans de paix.

samedi 20 août 2005                                                                                   

Ecrit le samedi 20 août de Paris (si, si, ...) 

    

Nous sommes à Paris, ou nous sommes arrivés le 12/08 (en train depuis Thessalonique, Grèce)

Le 09/08, nous avions parcouru 3 127 km, dont 750 en train (environ 2 500 pédalés en 5 semaines)

 

Leçon

    Un dimanche, en Hongrie. Comme à notre habitude, nous levons le camp à 6h30 pour profiter de la fraîcheur matinale. La carte n’indique pas de route dans la direction que nous prenons. Qu’à cela ne tienne, nous sommes rôdés pour nous diriger à la boussole ; s’ensuivent alors 3 longues heures de pédalage à travers champs, sur des chemins de sable ou de bosses, à moitié dans les fourrés. Vers10h, c’est le cagnard (la montre indique 41°C) et pas un arbre à l’horizon. Pas une habitation non plus, c’est le « no man’s land » hongrois. Dur.

    A midi, nous échouons finalement dans un village et nous nous écroulons sous un arbre pour la pause. L’ambiance est pour le moins morose. Nous pestons contre la Hongrie et ses hongrois qui nous semblent en plus si inhospitaliers. Un type en face se met à tondre sa pelouse. Depuis le début, nous avons le sentiment que toute l’Europe n’est occupée qu’à tondre et à arroser sa pelouse (avec force d’eau, que de gâchis !). L’indifférence que cet homme affiche à notre égard nous fait enrager.

    Pourtant, une heure plus tard, il vient soudain vers nous et nous propose de l’eau fraîche. Joie. Puis il nous invite dans son jardin et nous offre une pastèque entière, accompagnée d’une bière. Nous commençons à avoir honte de nous en être pris secrètement à lui. Mais ce n’est qu’un début. La rencontre avec Ferenc, c’est son nom, sera l’une des plus belles depuis notre départ. Il nous invite à dormir chez ses parents qui sont d’une entière bonté avec nous. L’après-midi, « Feri » nous emmène en balade : nous visitons son village, allons voir le lac où il pêche et atterrissons finalement sur une terrasse à déguster d’énormes et succulentes glaces. La soirée se passe tous ensemble à discuter, échanger. Nous évoquons tour à tour Napoléon, Hugo, Maupassant, Dumas, les auteurs hongrois, l’histoire du pays, l’Afrique, etc…

    Nous nous couchons dans un lit, sereins, propres et repus, en ayant la sensation d’avoir vécu une riche journée. Le lendemain, les adieux sont émouvants. A la sortie du village, Feri nous attend avec un jus d’orange frais pour la route. Nous en tirons 2 leçons : d’abord, l’important est de ne jamais désespérer. Ensuite, il ne faut jamais émettre de jugements trop hâtifs...

BABEL

     La langue est à elle seule toute une aventure dans ce type de voyage. Dans la partie de l’Europe que nous traversons, nous utilisons l’anglais et surtout l’allemand. Cette dernière, nous le savions déjà, est la langue la plus parlée en Europe : mais c’est valable non seulement en terme du nombre de locuteurs (au moins 80 millions d’Allemands et 8 millions d’Autrichiens), mais aussi en terme d’extension géographique : en effet, de la Slovaquie à la Serbie, l’habitant lambda ne parle pas un mot d’anglais mais « ein bishen deutsch ». Pratique pour Thomas, qui s’en sort aussi plus naturellement en allemand.

    Mais la langue se pose parfois en barrière : témoin cette anicroche entre Thomas et un policier serbe buté. Celui-ci l’interpelle en serbe sur un ton mauvais. Thomas se retourne : « What ? Do you speak english ? » Quelle question! L’âne se met alors à braire, en serbe, que en Serbie on parle serbe : Thomas ne parle pas serbe donc lui ne parle pas anglais, c’est sa logique. Pas question de trouver un compromis. Car l’anglais n’est pas non plus notre langue naturelle : c’est pour nous un terrain d’entente, un pont entre 2 individus qui ne se comprennent pas.

    Parfois les échanges donnent lieu à des scènes comiques. En Hongrie, avec les parents de Ferenc, nous n’utilisons pas moins de 3 dicos pour communiquer : un dico français-anglais/ anglais-français, un dico anglais-hongrois et un dico hongrois-allemand. Quand Ilona se met en tête de nous parler cuisine, nous passons une demi-heure de rires à tenter de traduire ce dont elle veut nous parler : le foie gras en France. Elle ne sait pas dire foie en anglais et nous ne comprenons pas le mot allemand ! En tout cas, cela nous change de l’animosité de nombreux interlocuteurs qui répugnent à nous répondre autrement que dans leur langue.

    Quand il est vraiment impossible de se comprendre par la langue, notre frustration initiale se mue vite en un défi pour communiquer par signes, pantomime, dessins. En Serbie, nous arrivons ainsi à expliquer notre voyage à une famille qui nous a invités pour le café. La grand-mère, très douce, fait alors un grand signe de son cœur vers nous : nous comprenons qu’elle nous souhaite bonne chance. Pas besoin de mots…

MOUSSAKA

    Même pour nous, qui nous étions quelque peu renseignés sur les Balkans avant de les traverser, les questions de géopolitiques dans cette région sont encore assez confuses dans notre tête.

    Nous prenons conscience de nos lacunes en Hongrie, quand Ilona nous apprend que l’Albanie n’a jamais fait partie de la Yougoslavie, surtout ne pas confondre !! Autant pour nous. Les choses se précisent peu à peu, au gré des conversations. Vesna nous improvise, à notre demande, un cours express sur l’histoire de l’ex-Yougoslavie.

    Mettons donc les choses au point : la grande Yougoslavie, celle de Tito (on trouve toujours des cartes postales
« Tito forever » à Belgrade) qui s’est désintégrée à partie de 1991, est aujourd’hui éclatée en 5 pays : la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie-et-Monténégro et la Macédoine. La paix , après des années de conflits, est désormais revenue. Cependant, il paraît qu’une idée circule selon laquelle une guerre a inévitablement lieu tous les 40 ans environ dans la région : c’est dire si certains ont du mal à croire en la paix.

    Quelques rancunes semblent subsister entre Croates, Bosniaques et Serbes, mais tout va bien entre les Serbes et les Macédoniens, merci pour eux. En revanche, le Kosovo a toujours des velléités d’indépendance.

    En Grèce, nous continuons notre cours : nous apprenons alors que la Macédoine n’est pas reconnue en tant que telle par l’ONU. En effet, la Grèce conteste cette appellation, car la Macédoine correspond à l’empire d’Alexandre le Grand, qui était grec et non slave. Ils accepteraient tout au plus le nom de « Macédoine du Nord ».

    Une chose semble mettre tout le monde d’accord, c’est que les Albanais sont des voleurs. Mais les Hongrois se méfient aussi des Tziganes et les Grecs des Turcs… Les choses sont maintenant plus claires pour nous et nous entrevoyons surtout la complexité des problèmes qui ont secoué les Balkans : ce que nous appelons « balkanisation », Vesna l’appelle « Moussaka » !

CLICHES

    Depuis la Slovaquie, vous avez pu le remarquer, les photos se sont faites assez rares. La 1ère raison en est que nous n’avons pas traversé de lieu marquant depuis lors (en-dehors de Budapest). La seconde en est surtout que le niveau de vie des pays traversés est plus faible. Dans ces conditions, le travail du photographe se complique : comment en effet rendre compte de la réalité d’un pays sans tomber dans le cliché ?

    Dans un village quelconque de Hongrie, par exemple, faut-il photographier le quartier le plus sale ou la rue commerçante aux façades fraîchement repeintes, ou encore les villas clinquantes des alentours ? Pourquoi telle maison plutôt qu’une autre ? En Serbie, 20 km avant Belgrade, le problème se pose avec plus d’acuité : nous traversons alors un véritable trou à rats. Le village est mort mais habité, les bâtiments sont décrépits, les rues sont sales, les poubelles débordent, les fenêtres sont sans carreaux ou réparées avec du journal, les gens sont visiblement très pauvres. Nous nous arrêtons dans une supérette où nous prenons une photo. Mais pour cela, nous avons attendu que la rue soit déserte, car nous n’osons pas sortir l’appareil devant les gens. Il sauraient pourquoi nous prenons des photos et nous ne voulons pas leur faire honte.

    Cependant, nous sommes conscients que le problème se posera également dans certains villages d’Afrique. Nous devons donc progresser sur ce point, apprendre à choisir nos sujets et travailler notre discrétion, pour pouvoir témoigner efficacement de ce que nous voyons.

LA GRANDE VADROUILLE

    Si vous aimez le folklore, prenez le train en ex-Yougoslavie avec des vélos, vous ne serez pas déçus du voyage! En effet le retour en train, de Katerini (Grèce) à Paris, fut pour nous une épopée à part entière... une aventure humaine aussi.
      Mercredi matin, nous quittons Korinos pour prendre le train à la gare de Katerini. Là-bas, ça commence très fort: la dame du guichet, qui ne daigne pas parler un mot d'anglais, essaie d'arnaquer Charlotte sur le prix des billets et profite qu'elle soit étrangère pour faire passer les autochtones devant elle. Agréable!! Pour couronner le tout, elle fait semblant de ne pas comprendre que nous avons 2 vélos et, quand notre train arrive, on nous annonce qu'il ne les accepte pas et qu'il nous faut encore patienter jusqu'au prochain. En fait d' "annonce", nous subissons une douche d'invectives grecques de la part du chef de gare furieux de notre tentative insolente pour monter dans le train, et celui-ci redémarre devant nous.
    Finalement, nous arrivons à Thessalonique où, quelle chance, il y a une correspondance immédiate, de nuit, pour Belgrade.
      Nous passons une nuit très mouvementée, rythmée par les contrôles incessants. Les contrôleurs du train ouvrent le bal: ils entrent dans le compartiment, à toute heure, allument la lumière en rugissant "Ticket"! Puis c'est à la police de nous réveiller, au son de "Passeport" (car on sort de l'Europe)! La douane se joint au ballet, prise de panique par le nombre de nos sacoches: lampe de poche dans la face, nous leur expliquons qu'elle contiennent... nos affaires! Ils repartent rassurés, sans rien vérifier... Enfin, nous avons le droit à un traitement spécial, puisque le contrôleur revient en chantant "Bicycle, bicycle": c'est le moment pour Thomas de sortir pour négocier le montant du backshish qu'il s'arrogera pour fermer les yeux sur nos vélos... Et tout ce cirque se répète à chaque frontière, toute la nuit.
      Dans le compartiment, en revanche, l'ambiance est chaleureuse: les passagers, Serbes ou Macédoniens, ne se connaissent pas mais nous avons l'impression d'assister à une réunion de famille: tout le monde se parle comme de vieux amis. Nous partageons café, biscuits, discutons, échangeons (un contrôleur qui voyage avec nous prête même sa revue porno à notre voisin qui se rince l'oeil durant son voyage). On se sent bien, cela nous change des trains français où chacun s'applique soigneusement à ignorer son voisin, tous cachés derrière un masque froid et dédaigneux.
      Nous sympathisons avec Damir, qui vit à Belgrade. Il est artiste-peintre et travaille dans la restauration de fresques (en ce moment, il restaure un monastère qui a brûlé sur une île grecque). On parle histoire, cinéma, etc.... Il aime nous parler de son pays, et nous raconte la version yougoslave de la légende de St Nicolas: ici, il a sauvé 3 filles de la prostitution en déposant, la nuit, de l'argent sur l'appui de fenêtre de leur père!
    En arrivant à Belgrade jeudi, après 15 heures de train non-stop, nous sommes tous les 3 affamés par ce long voyage. Damir nous propose son aide pour prendre les billets pour Paris, puis on va manger ensemble un super petit déjeuner dans le vieux Belgrade: omelette, fromage, pain, lait et une glace pour finir. Notre ami accepte à peine que nous payions ces dernières! Nous retournons ensuite à la gare car notre prochain train part à 13h. Avant de nous dire au revoir, Damir arrive encore à nous donner 350 dinars pour payer le "conductor". Il insiste, nous ne pouvons refuser. Mais ce n'est pas fini. Il nous quitte et revient 5 minutes plus tard avec un sac de pain et de pâtisseries yougoslaves, pour le voyage (nous avons encore 17 heures de train non-stop jusqu'à Munich). Quelle générosité incroyable, il faut le vivre pour le croire! Dans le train, une question nous vient à l'esprit: en aurions-nous fait autant? Les adieux sont émouvants, une  fois de plus.
      Les divers contrôles se succèdent à nouveau, et nous payons à chaque frontière pour les vélos. Les différents contrôleurs ne sont d'ailleurs jamais d'accord sur la place de Thelma et Louise que nous devons déplacer sans cesse! Bêtement, nous pensons que l'entrée en Europe marquera la fin de la galère: erreur! Nous passons la frontière autrichienne à 2h du matin et c'est la Bérézina: nous y sommes contraints de quitter le train qui est devenu interdit aux vélos! Nous essayons de marchander, mais pas moyen: nous nous retrouvons donc en plein milieu de la nuit sur le quai d'un village autrichien dont nous ignorons le nom et devons attendre le train de 6h, direction Salzburg! Là, nous avons une correspondance vers Munich, puis enfin de Munich vers Paris où nous arrivons vendredi à 21h30. 
      Au total, nous avons passé plus de 40 heures dans le train (sans compter le temps à "squatter" les gares), qui nous auront plus fatigués que les 2 500 km parcourus à vélo! Ouf!

" MEETING AFRICA ", 2 EME

    Clap! Eh oui, c’est de Paris, où nous ne pensions pas revenir de sitôt, que nous écrivons ces mots pour vous expliquer ce qu’il se passe.

    Tout a commencé à Budapest, après 1 900 km de pédalage à travers l’Europe. Les évènements récents en Egypte commencèrent alors sérieusement à nous inquiéter pour la suite du voyage : la possibilité de traverser le pays à vélo nous paraissait bien mise à mal à cause du durcissement des règles de sécurité là-bas. Nous entrevoyions déjà la fin prématurée de Meeting Africa, échoués devant les pyramides… Difficile de continuer à rouler sereinement dans ces conditions, la tête pleine de doutes et de questions. Notre impatience de sortir de l’Europe grandit avec notre appréhension.

    Une question en appelant une autre, nous commençons à nous demander si tenter de traverser l’Ethiopie, apparemment vraiment inhospitalière à l’égard des touristes isolés, vaut vraiment la peine. En effet, notre véritable but, nous ne nous en sommes jamais cachés, est la découverte de l’Afrique australe : avons-nous vraiment envie de faire tant d’efforts, tant de kilomètres pour risquer d’échouer avant le cœur de notre voyage, aux portes de notre rêve ?

    Malgré cette « crise », nous continuons à progresser vers Belgrade où tout s’accélère. Toutes les solutions sont alors envisagées, jusqu’à l’abandon pur et simple. Il nous paraît néanmoins nécessaire d’aller jusqu’à Athènes où nous pourrons décider si nous prenons le bateau pour l’Egypte ou directement pour le Kenya, voire si nous rentrons en France. Nous prenons le train, bon marché, pour Thessalonique, afin de régler au plus vite ces questions.

    Notre réflexion nous amène finalement à penser que les vélos représentent pour nous un trop gros risque financier : en effet, il s’avère que nous aurons certainement un jour à prendre l’avion (au moins de Khartoum à Nairobi, et le surcoût dû au poids des vélos serait exorbitant), car les cargos accessibles aux touristes ne desservent pas la côte est du continent africain.

    Après avoir à nouveau envisagé toutes les solutions, nous en revenons à une vieille idée que nous avions mise de côté lors de la naissance de Meeting Africa : voyager à pied. Choisir ce moyen nous oblige dès lors à prendre l’avion ; ceux qui nous connaissent savent que c’est un mode de transport que nous réprouvons, étant donné son coût environnemental élevé. Cependant, nous pensons qu’avoir une attitude éco-responsable ne consiste pas à se priver de tout mais bien à mettre en balance chacun de ses actes avec l’impact qu’il a sur l’environnement : en l’occurrence, nous pensons que le trajet en avion vaut le coup. Nous allons le prendre sur une longue distance, mais pas pour une semaine de bronzage au bord d’une piscine rigoureusement identique aux piscines françaises, ou pour faire un trajet que nous aurions pu faire en train. Ce trajet (et le retour) nous ouvre la porte de 9 mois de découverte de l’Afrique, 9 mois d’une expérience unique.

    L’idée de voyager à pied nous avait toujours séduits , mais nous avions finalement opté pour le vélo car il nous donnait un rayon d’action plus large. Désormais, Meeting Africa changera de visage, mais pas de nature. Il s’agit toujours d’une plongée au cœur d’un continent, à la rencontre de ses peuples, de ses paysages, de ses milieux. Cette plongée sera probablement « limitée » à 4 pays (l’Afrique du Sud, le Botswana, la Zambie et la Tanzanie) mais gageons qu’elle n’en sera que plus intense.

    Nous ne regrettons cependant pas nos 6 semaines de traversée de l’Europe. Géographiquement, elles auront été inutiles. Mais sur le plan personnel, elles nous auront beaucoup apporté : outre l’entraînement physique, elles nous ont appris à voyager par nos propres moyens et nous ont permis d’acquérir des réflexes, une expérience qui nous sera pour le moins utile à l’avenir. Enfin, ce fut une expérience humaine formidable, pleine de promesses pour la suite du voyage.

    C’est donc maintenant vers l’Afrique du Sud que nous vous emmenons, un peu brusquement certes, mais avec tout autant de détermination. Nous atterrirons normalement à Johannesburg le 29 août pour ensuite nous diriger droit vers le Botswana.

    Notre but est désormais d’atteindre le Kilimandjaro à pied (cf. itinéraire). En espérant que vous serez toujours aussi nombreux et ardents à nous soutenir, car c’est à votre enthousiasme que nous devons de ne pas avoir craqué dans les moments de crise. De notre côté, nous allons continuer à partager cette aventure avec vous, et à tenter de vous faire rêver…