Carnet de route

AFRIQUE

 

AFRIQUE DU SUD

mardi 30 août 2005                              

    Nos globe-trotters nouveau style ont atterri  à Johannesburg hier en fin d'après-midi. Ils étaient partis de Roissy la veille vers 21H.
    Aussi se-sont-ils accordés une halte dans un hôtel F1 pour quelque peu récupérer.
    Aujourd'hui, ils ont trouvé un guide pour une petite visite du coin. Ils ont ainsi pu découvrir Soweto, la maison de Nelson Mandela, le musée de l'apartheid, le musée Pieterson et la plus haute tour du pays, de 50 étages, le Carlton Center.
    Ils ont aussi été invités à partager le pot de l'amitié chez des amis de leur guide.
    Cependant, plusieurs personnes les ont incités à ne pas parcourir le pays à pied, cette traversée étant selon eux plutôt dangereuse. Ils ont donc sagement décidé de reprendre une chambre pour cette nuit. Demain, ils prendront un car qui devrait les emmener à la frontière avec le Botswana. Ils pourront alors commencer leur périple en s'acclimatant gentiment, on l'espère.

 

 

BOTSWANA

 

jeudi 1er septembre 2005                               

Ecrit le jeudi 1er septembre de GABORONE

Coucou

    Un petit mail pour dire qu'on est bien arrivés à Gaborone, capitale du Botswana, mercredi midi. Mais la frontière nous a refusé le visa de deux mois car on ne rentre pas dans leur norme du touriste. En effet, ils privilégient le tourisme de luxe et ne sont pas habitués à ce genre d'individus. Donc on est en stand-by à Gabo où on a dû s'adresser au consul pour négocier le visa. Une des françaises qui travaille à l'ambassade nous a prêté un appart pour la nuit. Aujourd'hui, jeudi, on va à l'immigration pour régler tout ça mais on ignore combien de temps cela va prendre. Mais normalement, tôt ou tard, ça devrait s'arranger. Ensuite, on pourra enfin commencer à marcher.
    En attendant, on sympathise avec les français d'ici. On a même rencontré une ancienne camarade de classe de ma copine Sophie Willot, en stage ici avec l'EDHEC (Prune). Les locaux sont très sympas aussi. Sinon tout va bien, en pleine forme.

Gros bisous à tous, à bientôt, bonne rentrée et bonne braderie!!

    C'est bon, on a eu nos visas pour 2 mois! on a de la chance, ça n'a pas été long! Vive Abraham , le chauffeur "local" du consul qui nous a aidés et qui nous a renseignés sur son pays. Vive aussi Natasha, qui nous a prêté un appart et nous a donné plein de conseils. Vive enfin le consul qui a été très sympa avec nous. On a laissé les coordonnées de la famille et des photocopies de nos passeports au cas où, et on va rester en contact avec eux. Natasha nous a aussi dit qu'elle suivrait notre progression pour prévenir les autres ambassades au fur et à mesure. On profite de notre étape à Gaborone pour acheter une carte précise du pays et pour se renseigner sur le pays, les routes, les transports, etc...
    Demain matin, c'est parti: on démarre notre marche vers le nord-ouest, direction Maun, porte de l'Okavango. Il y a environ 900 km jusque là-bas.
    Ensuite, on  se dirigera vers Katane, frontière zambienne (certainement en bus pour traverser le Chobe, truffé de lions).
    Ce soir, c'est donc peut-être notre dernière douche avant longtemps. On va dormir dans l'appart qu'on nous a prêté et on va certainement passer la soirée avec les étudiants français en stage ici. Pour le moment, on va se balader en ville et essayer de parler avec le médecin français du coin, voir s'il a des conseils à donner. Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Bisous à tous, à bientôt

TOM et CHA

 

samedi 10 septembre 2005                      

Ecrit le samedi 10 septembre de MAUN

OUT OF BOTSWANA

    Nous en avions rêvé, nous y sommes: le Botswana, où la nature est souveraine (49% du territoire consacrés à sa préservation).

    Premier contact à Gaborone, la capitale, au SE du pays. Contrairement aux villes sud-africaines, "Gabs" (150 000 hab.) ressemble plus à un gros bourg qu'à une véritable métropole. Les rues n'ont pas de revêtement, elles sont ocres, couleur de la terre par ici, et sableuses. Peu de trottoirs, pas de passages piétons; d'ailleurs, ces derniers seraient inutiles car la voiture est reine. Nous ne savons pas s'il est plus prudent de se trouver à l'intérieur ou à l'extérieur des véhicules. Les 4*4 partagent la route avec les fameux "combis", LE transport local: pour 2 pulas (1 pula = 1 franc), vous vous entassez dans un minibus type Toyota avec en moyenne 15 passagers (plus les bagages), et vous voilà traversant la ville, musique à fond, au rythme des klaxons et des marches arrière pour chercher le client. Pas cher et très pratique: vous en trouvez partout! Sinon, ce sont eux qui vous trouvent! D' un point de vue architectural, Gabs privilégie l'horizontal: les maisons et les bâtiments administratifs sont bas et la ville est très étendue: elle s'étend toujours d'ailleurs, à un rythme effréné. Enfin, une description minutieuse du ciel s impose, pour achever de planter le décor: bleu, soutenu, azur, toujours bleu, sans l'ombre d'un nuage. Mais ne nous y trompons pas: si Gabs ne paie pas de mine, l'ambiance y est vraiment spéciale, chaleureuse. Une promenade dans le "Main Mall" suffira à vous en convaincre. La rue piétonne grouille de vie, les marchands sont nombreux, les mamas font la popote... Les "locaux" sont souriants, ont le "Dumela" (Hello) facile, et la spontanéite est de mise ici. L'indolence aussi, cette fameuse lenteur que l'on reproche si souvent aux Africains: il est vrai que quand vous attendez un visa, l'acharnement de votre interlocutrice à traverser la pièce à tout petits pas, en traînant les pieds et en s'arrêtant au bureau de chaque copine, peut déconcerter l'occidental fraîchement débarqué de son avion, "l'Homme pressé". Mais rapidement, la chaleur aidant, on s'habitue à ce rythme et le soupir devient alors un véritable art de vivre: "don't hurry in Botswana".

    Nous passons quelques jours dans la capitale, où l'accueil du personnel de l'ambassade française nous aide à nous sentir chez nous: Natacha, qui nous hébergeait chez elle, a du craindre de ne jamais nous voir partir. Si tel était le cas, nous ne l'avons pas ressenti et c'est avec un petit pincement au cœur que nous finissons par décoller. Détail pratique pour terminer; accros du portable, rassurez-vous, au Botswana il passe quasiment partout et vous ne pouvez pas faire un pas sans croiser un vendeur de cartes téléphoniques!

    Sortis de Gaborone, nous faisons connaissance avec l'immensité aride du pays: c'est le bush à perte de vue, déclinant tout la palette des ocres. Surtout c'est sec, vraiment sec, de cette sécheresse qui, au début, vous fait saigner du nez et vous donne mal à la gorge. Il n'a pas plu depuis le mois de mai et les panneaux, à Gabs, prescrivent d'économiser l'eau, car le lac de barrage n'est plein qu'à 22%. Slogan à méditer en Europe, ou l'attitude vis-à-vis de l'eau nous avait tant choqué: "l'eau c'est la vie".

Par conséquent, difficile de marcher ici, d'autant que les villages sont très éloignés les uns des autres (1,5 millions d'hab. pour 600 000 km2). Nous expérimentons donc le stop, très usité ici, et surtout le bus. Très bon marché, ce dernier nous permet de traverser le pays en tout sens, pour un prix dérisoire aux yeux d'un européen (80 pulas pour rallier Maun de Gabs, 750 km). Mais attention, il ne circule que bondé: toutes les places assises sont prises (mais il faut arriver tôt pour les avoir), et même quand il n' y en a plus, il y en a encore: au-dessus du moteur à côté du chauffeur, sur les marches, sur des pots de peinture vides, debout dans le couloir entre les sièges (parfois pendant plus de 5h). Même rempli, il continue à prendre du monde: gare à vos genoux, on pourrait bien s'y installer! Le plus drôle, c'est quand 2 grosses mamas se sont mis en tête de traverser le bus en sens inverse: les croisements sont épiques... Un conseil donc, prenez le bus le matin, au moins la température sera-t-elle acceptable.

    Durant le trajet, vous aurez l'occasion d'admirer... le bush, sans concession. Les villages sont rares et petits, les routes sont droites et peu fréquentées, si ce n'est par les troupeaux de vaches, de chèvres et d'autruches qui les traversent. Nous faisons étape à Morwa, Francistown, Maun, et chaque fois, selon leurs moyens, les gens nous accueillent à bras ouverts. Tantôt nous dormons dans un lit après une douche et un repas, tantôt nous plantons la tente entre deux cases et c'est à notre tour d'offrir du gâteau à nos hôtes, visiblement pauvres: le feu fait office de cuisine, il y a un seul robinet, extérieur, pour toute la famille, et une baraque très odorante abrite les toilettes.

    Régulièrement, nous improvisons des cours de géo avec notre petit atlas: non, la France n'est pas en Afrique, ni en Asie. Un de nos jeunes hôtes nous apprend même qu'en France, les éléphants domestiques servent de moyen de locomotion! Les photos que nous avons emmenées font leur effet: nos hôtes découvrent avec plaisir notre famille, avec étonnement nos villes. Parfois, ils nous emmènent en voiture faire le tour de la ville, des amis, etc... Echanges culturels. Parmi ceux-ci nous comparons, avec deux frères qui nous ont pris en stop dans leur camion, les qualificatifs donnés aux policiers dans nos pays respectifs: ils disent "monkey", nous disons "chicken". Ou encore nous font-ils découvrir les énormes pétards qu'ils fument pour se tenir éveillés au volant: faut-il être rassurés de savoir qu'ils se tiennent éveillés ou effrayés de savoir comment ils procèdent? Nous avons beaucoup de succès avec les enfants, surtout Thomas qui attire beaucoup de coups de coude et de sourires, sans trop savoir pourquoi...

OPERATION OKAVANGO

    "On a bu l'eau de l'Okavango": voilà une phrase qui sonne comme la concrétisation d"un rêve.

    A partir de Maun, porte du delta, nous rallions Sepupa, au NO du pays, sur le bord du fleuve. Difficile de trouver un moyen bon marché pour découvrir les espaces naturels du Botswana: le pays pratique en effet la politique du "high income, low impact": plus c'est cher, moins les visiteurs sont nombreux (mais plus riches), et donc plus l'environnement est préservé. Cela se défend.

    De Sepupa, nous prenons un bateau pour Seronga, un village perdu au milieu du fleuve, d'ou nous pourrons découvrir des espaces inconnus dans une embarcation traditionnelle, le mokoro. Le mokoro est une sorte de gondole utilisée par les locaux pour se déplacer et récolter les hautes herbes qui serviront à faire des toits. La compagnie qui les gère pratique l'éco-tourisme: les embarcations sont en fibre de verre, pour épargner les arbres qui servaient autrefois à les fabriquer. D'autre part, les employés sont tous des habitants du village, qui ont une connaissance inégalée du terrain: ils profitent donc directement des retombées du tourisme.

    C'est donc au gré de cette embarcation fragile et discrète que la Nature sauvage de l'Okavango s'offre à nous, habilement menés par notre "poler". Nous nous enfonçons lentement au milieu des papyrus (comestibles et goutus) et des nénuphars. Rien ne vient troubler le silence, si ce n'est le bruissement de l'eau, des hautes herbes, et le chant des oiseaux. Ceux-ci sont pléthore: plus ou moins grands, plus ou moins colorés, il y en a pour tous les goûts. L'aigle pêcheur en est un des fiers représentants. Un troupeau d'éléphants nous souhaite la bienvenue.

    Après 2 h de balade, dans une sérénité inégalable, nous montons le campement sur une île avant de repartir pour un "Game Walking", c'est-à-dire une marche dans la savane, à la rencontre des animaux. C'est un autre moyen , très doux et très humble, d'aller à la rencontre de la faune. Le guide est très fort: il détecte les animaux les plus discrets, et sait nous initier un peu au mystère des plantes, des arbres, des empreintes... Nous apprenons que tel petit fruit rouge sert de pilule abortive aux femmes d'ici (une boule suffit), que telle plante éloigne les moustiques, ou encore que la sève de tel arbre soigne les brûlures. Nous croisons des troupeaux de zèbres qui nous scrutent d'un air curieux, des phacochères en famille et, clou du spectacle, à moins de 60 m, un couple d'éléphants se laisse admirer. Nous sommes ébahis.

    Le soir, après un repas sommaire autour du feu, nous ne pouvons nous empêcher d'aller admirer la voûte céleste. Aucune lumière a des km à la ronde, la pollution lumineuse est donc nulle: on distingue nettement la Voie lactée, dans une atmosphère paisible, quelquefois déchirée par le cri rauque et sonore de l'hippo. La nuit est calme sous la Croix du Sud.

    Le lendemain, très tôt, nous profitons de l'ambiance spéciale d'un matin du monde. Nous croisons un hippopotame à environ 40 m de nos fragiles mokoros: une vraie rencontre. Ici, l'animal est libre, il est chez lui et c'est nous qui sommes vulnérables, à sa merci. Car ne vous fiez pas à son air pataud, l'hippo est un des animaux les plus dangereux d'Afrique, avec le buffle. Ici donc, chacun retrouve sa place et c'est la une des différences fondamentales avec un zoo: l'admiration se mêle de respect, d'humilité et de crainte. On ne triche pas. Cependant, si vous restez à votre place, il y a une vraie harmonie dans la Nature et vous êtes en sécurité. Le tout est de savoir garder sa place, exercice difficile pour la seule espèce douée d'arrogance: l'Homme. Nous laissons la bête à ses occupations et passons notre chemin.

    Si la baignade dans l'Okavango est plus que déconseillée (la région est infestée de crocos), nous ne résistons cependant pas à la tentation de boire directement l'eau du fleuve mythique. Car ici, c'est assez rare pour être souligné, l'eau est pure et translucide. Dès lors, il n'y a pas de plaisir plus délicieux, par une chaude après-midi, que de plonger ses mains dans cette eau en abondance, si fraîche, et que de boire à volonté, comme dans un rêve éveillé...

 

 

ZAMBIE                                                   MALAWI

jeudi 15 septembre 2005                               

    Coucou, nous sommes à Livingstone, en Zambie: nous avons traversé la frontière mardi. Nous étions restés à Maun jusqu'à lundi, puis nous sommes partis en bus vers Nata, puis Kasane où nous  avons passé la nuit de lundi à mardi. Après une première nuit à Livingstone même, nous avons visité les "VicFalls" (Great, on vous racontera ça plus longuement prochainement).
    Depuis mercredi, on est accueilli à Mukuni, un village traditionnel non loin de là, où nous avons autorisation de séjour illimitée. On va donc y passer quelques jours, au rythme de l'Afrique traditionnelle...
    Tout va bien.
    Gros bisous

Tom et Cha

Ecrit le jeudi 15 septembre de LIVINGSTONE

CARPE DIEM

    L'automne approche en Europe: c'est donc le moment pour nous de vous parler de la feuille morte.
    La feuille morte est celle qui a su se détacher de son arbre, qui s'est laissé tomber dans le vide, dans l'inconnu, à l'aventure. Passé un certain temps d'adaptation, où la feuille morte s'habitue à sa liberté nouvelle, à son indépendance, la voilà qui se laisse soulever, lentement, par le vent qui
souffle alentour. Notre feuille morte est devenue nomade: elle se laisse porter par le vent, par les vents, d'est en ouest, du nord au sud. Parfois elle se pose un peu, pour profiter du temps qu'il fait. Puis elle repart, au gré d'une nouvelle brise, d'un nouvel appel. La feuille morte n'aime pas les plans: elle n'a pas d'agenda, pas de téléphone portable, elle est libre. L'herbe est verte par ici? Elle y fait son nid. Le ciel est bleu par là, elle y va. L'orage gronde? Qu'à cela ne tienne, elle s'échappe.
    Un jour, quand la feuille morte aura voyagé tout son saoul, quand elle aura "vu du pays", elle retournera près de son arbre et se posera discrètement, sans regret. Car la feuille morte aura connu les orages d'ailleurs et les forêts lointaines. Elle saura qu'il est temps pour elle de s'arrêter
pour, un jour qui sait, mieux pouvoir repartir. Entre-temps, elle aura pu raconter son épopée aux feuilles qui sont restées.
    Nous serons cette feuille morte.

    Notre périple au Botswana nous aura appris, nouveaux piétons que nous sommes, à nous laisser porter. Un homme s'arrête près de nous et nous propose de monter dans son pick-up et de passer la soirée chez lui? Nous acceptons. Il a un ami qui vit à 200 km de là, qui peut nous accueillir? Nous y allons. Un bus se présente vers une destination attrayante? Nous y montons. Nous avons décidé de laisser tomber les plans. Marche, bus, stop, bateau, autruche, qu'importe, advienne que
pourra. Le principal pour nous est de nous sentir au cœur de l'Afrique, proche de ceux qui la font.
    L'itinéraire? Il est flexible. Les moyens de transport? Ils sont variés. Où dormirons-nous ce soir? Aucune idée. Quant à la durée de ce périple, elle est indéterminée. Nous ferons comme la feuille morte: un jour, nous sentirons (ou peut-être est-ce le porte-monnaie qui le sentira avant nous) qu'il est temps pour nous de rentrer.
D'ici là, Inch'Allah, le vent nous portera.

mercredi 21 septembre 2005                       

    Nous sommes toujours à Mukuni, chez nos nouveaux amis: nous projetons de lever l'ancre lundi prochain. Tout va toujours bien.

Ecrit le mercredi 21 septembre de Mukuni

RADIO MOSI-OA-TUNYA

    On a nagé aux chutes Victoria": voilà une phrase qui rivalise avec "on a bu l'eau de l'Okavango'...

    Mardi 13, nous passons la frontière zambienne à Kazungula. Contrairement à ce que l'on peut lire dans certains guides , nous n'avons aucun problème à obtenir un visa d'un mois (25 dollars chacun). Puis nous rejoignons Livingstone, le bourg situé à environ 7 km des chutes. La ville doit d'ailleurs son nom à David Livingstone, le célèbre explorateur britannique qui a "découvert" le site en 1855; tout au moins l'a-t-il révélé au monde. Nous y échouons dans une église catholique ou nous passons la nuit (nous précisons "catholique", car l"hospitalité nous avait été refusée dans l'église protestante d'en face!).

    Le lendemain matin nous errons dans la ville, comme à notre habitude, afin d'en saisir le parfum. Si la différence de niveau de vie entre le Botswana et la Zambie ne frappe pas au premier coup d'œil (la ville paraît même plus développée que Maun), le contact avec les habitants nous ramène vite à la réalité. Pour la première fois depuis le début de notre voyage, nous avons l'impression que notre couleur nous apparente à deux portefeuilles ambulants. Nous sommes assaillis de toutes parts: nous voyons défiler les vendeurs à la sauvette, et nous declinons de multiples propositions pour changer de l'argent au noir. Quand nous nous asseyons pour manger, ou simplement nous reposer, nous sommes encerclés par des enfants aux regards languissants. Parfois un homme vient s'asseoir près de nous et nous raconte son histoire dans l'espoir de recevoir un peu d'argent.

    En fin de matinée, nous gagnons le site des Victoria Falls. L'entrée coûte 10 dollars. Nous arpentons alors quelques sentiers qui nous mènent le long des gorges. Le spectacle est joli, mais quelle déception par rapport à nos attentes! On nous avait pourtant prévenu que la vue était plus impressionnante du côté zimbabwéen, mais nous ne nous attendions pas à cela: nous ne faisons qu'apercevoir le brouillard grondant des Main Falls ("Mosi-Oa-Tunya", le nom local des chutes, a été traduit par "fumée qui gronde"). 2 solutions s'offrent alors au visiteur déçu: soit passer la frontière et se retrouver juste en face des Main falls (mais il faut payer le visa), soit attendre la saison des pluies qui gonfle les chutes et les rend plus impressionnantes du côté zambien. Mais une voix nous dit: "si les chutes ne viennent pas à toi, va au-devant des chutes". Nous contournons donc la fracture et nous aventurons sur la rive du Zambeze: nous sommes à la recherche d'une piscine naturelle dont nous avons entendu parler, juste à l'aplomb des chutes et qui, paraît-il, offre un spectacle éblouissant. Nous ne tardons pas à en trouver le chemin, et donc à être arrêtés par des guides: en effet, depuis 2002, le site est commercialement exploité, et il nous faut payer 25 dollars chacun pour y avoir accès avec un groupe. Refroidis par notre rencontre avec un de ces groupes de touristes dans l'Okavango, nous abandonnons l'idée. Nous lui préférons une balade, seuls, le long du Zambeze. Au bout d' une demi-heure, nous sommes interpellés par le guide qui nous a retrouvés: à notre grand désespoir, il est interdit de s'aventurer seuls dans le coin, sous prétexte d'hippos, crocodiles et autres dangers. Nous enrageons, de ne pouvoir faire un pas en Afrique sans avoir à débourser de l'argent. Nos réponses très sèches ne découragent pas l'homme qui s'intéresse, sur le chemin du retour, à notre voyage. Nous finissons par sympathiser avec le groupe de guides qui nous propose de nous emmener, seuls, en fin d'après-midi, à la "piscine".

    Vers 16 h, nous partons donc avec Alex, droit vers le brouillard qui se dégage des Main Falls. Le trajet vers la Livingtsone Island vaut à lui seul le coup: au bord du précipice, nous marchons sur les rochers qui, en saison haute, tapissent le fond du Zambeze. Nous faisons étape sur la Livingstone lsland pour nous désaltérer et nous déshabiller. Enfin, c'est en nageant dans les eaux du fleuve que nous gagnons les rochers d'où nous pouvons plonger dans la fameuse "piscine". Le spectacle est exaltant et la sensation indescriptible.

    Imaginez: sous un soleil de plomb, vous plongez dans les eaux délicieusement fraîches du Zambeze. Comme fond sonore, le bruit assourdissant des millions de litres d'eau qui, chaque minute, dévalent les 110 mètres qui les séparent du fond de la gorge. D'abord tremblants devant l'énormité de la chose, puis enivrés par la beauté de ce qui s'offre à vous, vous vous penchez sur le bord des chutes. Sur votre gauche, deux magnifiques arcs-en-ciel parent les gorges. Sur votre droite, juste sur votre droite, les Main falls, révélées par la lumière vespérale, vous font sentir toute leur fureur. En-dessous de vous, 110 mètres de vide jusqu'au bouillon. Appuyés sur le bord, lorsque vous lâchez les mains, vous sentez le courant (plus faible à cet endroit, bien sûr) qui fait pression sur vous, prêt à vous emporter pour le grand saut. Les rochers sont glissants, gare à l'accident.

    Nous restons là 1/4 d'heure, nous repaissant de cette vision du bout du monde, pendant qu'Alex se déchaîne sur les photos au cri de "ça déchire!" (nous lui avons appris). Nous revient alors cette phrase de Livingstone, tant galvaudée mais qui prend tout son sens ici: "les anges dans leur vol ont dû contempler des visions aussi magnifiques que celle-ci"...

    PS: pour les photos, il vous faudra malheureusement attendre notre retour; en effet, si les villes ici sont assez bien pourvues en internet, l'ADSL n'est pas encore là, et nous avons abandonné l'idée de passer la moitié de notre voyage à télécharger nos photos. Voila une bonne raison d'attendre notre retour avec impatience!!

mardi 4 octobre 2005                       

    Nous sommes en Tanzanie, déjà! Après avoir quitté Livingstone mardi 27, nous avions tracé droit vers Lusaka (27), puis Lilongwe(28). Ensuite on a passé 1 nuit sur le bord du lac Malawi avant de prendre un ferry pour traverser le pays, de Chipoka à Chilumba (on vous racontera tout ça). On a passé la frontière tanzanienne hier.

Ecrit le mardi 4 octobre de ??

MUKUNI VILLAGE

    Les guides à propos de la Zambie vous diront de ne pas rater la visite de Mukuni Village, village traditionnel situé non loin des "Vic Falls". Ils vous diront aussi que, pour 3 dollars, vous aurez droit à une visite guidée de ce centre de la sculpture d'objets traditionnels (en bois et en pierre du Zambèze). Enfin ils ajouteront qu'avec un peu de chance, vous pourrez rencontrer le chef du village lui-même (Chief Mukuni). Alex, notre guide des Victoria Falls, est un habitant du village et nous invite à y passer la nuit...

    D'abord ravis de ce privilège, nous déchantons vite. Car sur la route du village, Alex nous fait passer par le marché où sont vendues les sculptures traditionnelles (animaux, masques, figures stylisées, colliers, etc...). Les objets sont superbes et bien moins chers qu'en France, mais nous avons l'impression d'être tombés dans un guet-apens. En effet, l'ambiance devient vite oppressante, car les techniques commerciales locales s'apparentent au harcèlement, voire au racket. A chaque stand, nous sommes abordés par un vendeur qui, très poliment, engage la conversation. Puis il nous invite à prendre un siège, "juste pour admirer" le fruit de son travail. Nous décidons d'aller jusqu'au bout de l'expérience. Nous nous retrouvons alors bien vite avec 4 objets dans les mains. Le vendeur a réponse à tout: pas de place dans le sac? Il vend des bracelets. Pas d'argent? On peut faire du troc. Contre un stylo, prétend-il, on peut avoir 4 objets. Thomas finit, sous la pression, par sortir un stylo. "Très beau stylo, nous dit le vendeur, j'aime ton stylo; si tu rajoutes seulement un peu d'argent, je te donne ces 4 objets". Les prix commencent alors à
70 000 kwachas (15 euros). Puis ils tombent très vite à 20 000, puis 5 000 kw (1 dollar). C'est à ce moment-là que la vente tourne à la mendicité. On se fait alors remarquer que 1 dollar, ce n'est rien pour nous (c'est vrai, mais ils sont 15 à attendre derrière, prêts à nous faire le même cinéma...). A la fin, notre "friend" nous dit carrément qu'il n'a pas les moyens de se payer le transport du retour vers le village (nous le retrouverons dans le bus 1/2 heure plus tard). L'un d'eux reproche même à Cha d'avoir oublié son nom (ils sont 15 à s'être présentés en même temps), et donc de ne pas se soucier de son sort... L'impression est très désagréable, et nous ne nous sentons pas bien en arrivant au village.

    Finalement, l'ambiance se détend assez vite et nous vivrons 11 jours à Mukuni. Nous avons compris plus tard que la vente d'objets traditionnels constitue l'unique ressource du village...

    Mukuni est un village de 2 000 habitants, posé sur le sable, au milieu du bush très aride à cette période. A sa tête se trouve le Chef Mukuni (qui vit dans son "Palace"), et tous les villages alentour en dépendent.

    L'habitat est très simple: il consiste en de multiples enceintes de paille au sein desquelles 2 ou 3 cases de bois et de terre, au toit de paille, abritent la famille élargie. Chez Alex, par exemple, nous vivons avec sa femme, sa fille, ses soeurs, sa nièce, son beauf, ses 2 frères et sa mère. La cuisine se fait au feu de bois, à l'extérieur. Les toilettes sont sommaires: un recoin circulaire aménagé dans l'enceinte de paille, le sable très absorbant comme chasse d'eau. Le côté droit sert au pipi, le gauche à poser une bassine d'eau pour la "douche" (que l'on prend parmi les odeurs, mais on s'habitue). Pour la "grosse commission", il faut s'aventurer dans le bush.

    Outre les habitations, le village comporte de multiples églises, de toutes obédiences, 2 écoles et de nombreuses épiceries-bars qui ont l'électricité. Il y a même une clinique, dont les urgences sont  ouvertes le dimanche et pendant les vacances.

    Peu à peu, nous apprenons la vie au village: pendant que les hommes vont tenir le marché aux souvenirs, les femmes, elles, travaillent vraiment. Avec Precious, Bridget et Scidaa, nous participons aux tâches qui leurs sont échues: tandis que Cha apprend à porter de l'eau sur sa tête, Tom coupe du bois dans le bush. Nous apprenons aussi à cuisiner le plat principal local, la Shima. "No Shima, no life", nous répète Scidaa: en effet, ce porridge à base de farine de mil est la base, très consistante, de leur alimentation. Nous y prenons goût, avec les mains bien sûr. Cela dit, au bout de quelques jours, matin midi et soir, ça lasse un peu nos estomacs occidentaux, trop bien habitués à la variété.

    Certains soirs, quand Alex revient des chutes, nous faisons comme tous les hommes du village: nous allons boire un coup au bar. La musique est à fond et quelques hommes éméchés à force de bière locale, dansent avec un regard vitreux. Puis nous rentrons manger à la lueur des étoiles, et célébrons autour du feu, sous une magnifique Voie Lactée, la quiétude de la nuit africaine.

    Pendant la journée, les touristes blancs défilent au village: ils ont payé pour la visite guidée et le droit de prendre des photos. Un beau jour, nous apercevons un groupe en train de nous photographier; puis ils s'approchent, pour nous poser des questions. "Oui, nous dormons ici, oui nous mangeons comme eux et buvons leur eau, non nous ne sommes pas malades"... agréable sensation, que de se retrouver de l'autre côté de la barrière.

    De jour en jour, nous nous intégrons au village, où nous commençons à être connus. La langue locale (le leya) est difficile à apprendre, mais nous en maîtrisons le salut, et quelques expressions, pour le plus grand plaisir des habitants qui ne se lassent pas de nous écouter les saluer! Toute la famille se ligue alors pour nous faire rester un an: il est même question de nous construire une maison! Thomas fait beaucoup rire les filles; mais il a peu de mérite car, malgré un quotidien plutôt terne, elles ont en permanence le rire au bord des lèvres. Precious, la maman, s'est prise d'affection pour Cha, à qui elle aime se confier. Un soir, autour du feu, nous nous sommes amusés à se donner des surnoms. Certains sont restés par la suite: Thomas est devenu "Chief Thomas", et Precious "Mama Power", tant elle met d'énergie en tout.

    Le matin du départ, l'ambiance est plus que morose: toute la famille est silencieuse. Nous promettons de revenir un jour. Wankie, le jeune frère d'Alex, promet quant à lui de bien travailler a l'école pour, un jour, pouvoir nous rendre visite chez nous. Les yeux humides, nous reprenons la route qui, une semaine plus tôt, nous avait menés à notre famille africaine.

    Néo-colonialisme? Un habitant du village est venu une fois nous remercier de prendre du temps pour vivre ici et apprendre à connaître leur vie: "cela nous prouve que le monde entier ne nous est pas indifférent", nous dit-il. C'est nous qui le remercions, qui les remercions tous, de nous permettre de pousser la logique de notre voyage jusqu'au bout, et de nous prouver que le partage et l'amitié son possibles, en dépit de notre différentiel de richesse.

 

samedi 8 octobre 2005                          TANZANIE

    Coucou!!

  Nous sommes à Zanzibar, depuis vendredi. Nous avons pris le train entre Mbeya (sud-ouest de la Tanzanie) et Dar-es-Salaam, sur la côte. Nous avons passé la nuit de jeudi à Dar, avant d'embarquer pour Zanzibar. Nous y restons jusqu'a lundi. 

Ecrit le samedi 8 octobre de Zanzibar

SPEED 

    En Europe, le folklore nous était venu du train. En Afrique, c'est le bus qui remporte la palme.

    Histoires de bus.

    Après notre départ de Mukuni, nous envisageons de rallier Lusaka, en faisant étape sur le lac Kariba. Mais l'attitude des employés du bus ce matin-là nous en dissuade. En effet, ils nous annoncent que le prix est le même pour aller à Lusaka ou s'arrêter 100 km avant. Par ailleurs, nous avons pris l'habitude de vérifier les tarifs auprès des voyageurs locaux, car nous savons par expérience que les Africains ont la fâcheuse manie, dans tous les domaines, d'appliquer des tarifs spéciaux aux "Mzungus" (Blancs). Bingo, pour nous remercier de mettre un peu de couleur dans leur bus (nous sommes, comme toujours, les seuls blancs), nos amis nous ont gratifiés d'un supplément de 10 000 kwachas. Que les parcs nationaux appliquent un tarif différent pour les étrangers, c'est normal. Que les visas soient plus chers, passe encore. Mais pour les transports locaux, c'en est trop. 10 000 kw, ce n'est pas beaucoup (2 dollars); mais il n'y a pas de raison, puisque nous sommes aussi mal assis que tout le monde et que nous partons quand même avec 1h30 de retard. Thomas essaie de contester mais rien n'y fait, il a affaire à des menteurs chevronnés. Las des ces Zambiens qui se disent si "friendly" mais qui passent leur temps à essayer de nous arnaquer, nous décidons de tracer droit vers Lusaka, et de là vers Lilongwe, voir si les Malawiens sont plus honnêtes...

    Quand nous montons dans le bus pour Lilongwe mardi matin, il est 9h30. Avant de monter, nous prenons soin de demander combien de temps le trajet dure. "18h30", nous répond-on; et Thomas de dire à Charlotte: "Mais non, il veut dire qu'on arrive à 18h30!". (Ce qui est peu probable, mais ils ont l'habitude d'enjoliver pour que l'on monte sans histoire: en général il faut ajouter 1 ou 2 h). Erreur! Grave erreur! Parti à 10h, le bus mettra 17h30 à parcourir les 750 km jusqu'à Lilongwe: vous allez vite comprendre pourquoi.

    Tout d'abord, dans son "Dictionnaire des idées reçues", Flaubert aurait pu ajouter: "Bus africain: toujours bondé". On réussit malgré tout à dégoter 2 places. Nous sommes assis sur une vieille banquette, les pieds sur la valise d'un passager, les genoux contre la banquette de devant. La température, durant le journée, oscillera entre 35 et 40 degrés. Nos 2 sacs achèvent de boucher l'allée centrale. Quand le bus est plein, et qu'il est impossible de circuler à cause des bagages, il faut encore attendre pour s'assurer que l'on a bien rempli chaque petit recoin. C'est alors le défilé des grosses mamas, qui tentent de se frayer un chemin jusqu'au fond du bus. Ajoutez à cela ceux qui sortent pour prendre l'air et les vendeurs à la sauvette qui montent pour nous proposer toutes choses utiles (dentifrice, chaussettes...), vous imaginez l'ambiance! Mais le tableau ne serait pas complet sans nos amies bonnes sœurs. Elles sont tout un groupe dans le bus et passeront 17h à s'empiffrer (qui a dit que la gourmandise était un péché?). Par ailleurs, comme tous les Africains,
elles jettent leurs déchets par la fenêtre (eh oui, la protection de l'environnement ne fait pas partie des 10 Commandements). Enfin, détail qui a son importance, elle essuient leurs doigts gras dans les rideaux, très ostensiblement! C'est important car cela explique peut-être que le bus soit littéralement infesté de cafards... A un moment donné, notre voisine de derrière fait une crise de claustrophobie (on la comprend, vu les conditions): elle hurle, pleure et gigote dans tous les sens. 3 de ses copines se jettent alors littéralement sur elle pour la maîtriser en scandant des incantations. Une scène d'anthologie, tout droit sortie de "l'Exorciste"! Quand la Mère Supérieure s'ennuie, elle se retourne et pousse la chansonnette, aussitôt reprise en chœur par toutes ses congénères. Certaines, vraiment inspirées, se lèvent et dansent en claquant des mains; la colo, quoi... D'ailleurs Tom veut enchaîner avec "J'ai une tante qui est au Maroc et qui s'appelle Hip-Hop", mais Cha s'y oppose fermement. C'est un peu soûlant, les psaumes, mais cela dit, quand le chauffeur s'essaie à des dépassements plus que limites, on est bien contents qu'elles soient là les nonnes: "chantez, bonnes sœurs, louez Dieu, on en aura besoin...". Dieu est avec nous d'ailleurs, c'est sûr, puisque chaque redémarrage est un véritable miracle mécanique (entre autres soucis, l'engin souffre de l'absence de première). On pourrait encore écrire un roman sur ce trajet (par exemple l'épisode des nonnes changeant leur argent au black à la frontière), mais vous ne nous croiriez pas: parfois il faut vraiment le vivre pour le croire...


LA CROISIERE S'AMUSE

    Si vous voulez traverser le Malawi, nous ne saurions trop vous conseiller de prendre le bateau. Il existe un ferry, l'Ilala, qui parcourt le lac Malawi dans les 2 sens (3 jours de traversée). Ne vous attendez pas à du grand luxe, ce n'est pas un bateau touristique, il est destiné à la population
locale.

    Après avoir passé une nuit sur le bord du lac, nous embarquons vendredi après-midi. Nous avions le choix entre la 2nde classe, à l'étage inférieur, la 1ere classe sur le pont supérieur, ou des cabines de 1ere. Ces dernières étant vraiment trop chères, nous optons pour le pont supérieur, qui
nous offrira la plus belle vue. Cela implique que nous devrons passer les 2 nuits suivantes non pas sous les ponts, mais sur le pont.

    A peine avons-nous démarré que nous sommes gratifiés d'un des plus beaux couchers de soleil qu'il nous ait été donné de voir. L'astre rougeoyant, au-dessus des montagnes noires qui bordent le lac, confère au ciel nuageux des couleurs fantastiques. C'est bien le minimum, quand on sait ce qui nous attend...

    Après un pique-nique sommaire, nous nous installons sur les bancs du pont où nous nous apprêtons à passer une bonne nuit, sous la Voûte Céleste. C'était sans compter sur Eole, qui se charge bien de nous rappeler que nous ne sommes plus sur la terre ferme. Pendant la seconde moitié de la nuit, la tempête agite notre navire dans tous les sens... Difficile de ne pas terminer la nuit au pied du banc, roulant d'un bord à l'autre du pont, saucissonnés que nous sommes dans nos sacs de couchage.

    Au petit matin, le réveil n'est pas glorieux. les marins disent souvent que, pour ne pas être malade en mer, il ne faut ni avoir faim, ni être fatigué, ni avoir froid (les "3 F" du grand-père de Cha). Il se trouve que la veille, nous avons peu mangé, que la fatigue du voyage commence à s'accumuler et qu'en terme de froid, la nuit sur le pont n'aide pas. Bref, comme dirait l'autre, c'est
la quiche!!! Incapables de nous lever, imaginant à peine manger quoi que ce soit, nous entrevoyons alors une bien longue traversée (l'arrivée est prévue dimanche soir). Mais St-Christophe, patron des voyageurs, existe peut-être; toujours est-il que le vent a fini par se calmer. Ouf! Nous passons alors 2 jours très calmes, sur un pont quasi-désert, entre le bleu profond du lac à perte de vue et l'azur du ciel.

    Le deuxième jour, nous longeons les côtes en permanence (le Mozambique à l'est, le Malawi à l'ouest). Visions de Paradis.

    Les guides comparent souvent les plages du Malawi à celles des Caraïbes. Il est vrai que certaines évoquent des souvenirs de cartes postales: sable blanc, eau verte et translucide,
palmiers en arrière-plan. D'autres fois, nous avons plutôt l'impression d'être en Provence. Les collines ocres, aux formes arrondies et à la végétation rare, nous rappellent, pour ceux qui connaissent, le Cap Canaille, à Cassis. Sauf qu'ici, et c'est hautement appréciable, le littoral n'est pas défiguré par les activités humaines. Tout au plus peut-on apercevoir quelques cases rondes adossées au relief, perdues au milieu de rien. Les filets sèchent sur la plage, à côté des embarcations traditionnelles: villages de pêcheurs.

    C'est l'aspect réjouissant du Malawi. L'autre aspect, la face cachée, c'est le SIDA qui y fait des ravages (15% de la population), c'est une des espérances de vie les plus faibles au monde (39 a), et c'est la famine qui, en ce moment, menace 4,2 millions de personnes (34 % de la population, la plus
grave crise alimentaire du pays depuis 10 ans, selon  la FAO). 

    L'ONU, en août, a lancé un appel à une aide de 88 millions de dollars. Comme quoi la misère n'est pas forcément moins pénible au soleil...

MIDNIGHT "EXPRESS"

    Nous vous avons déjà beaucoup écrit à propos des transports en Afrique. Aussi avions-nous décidé de vous parler un peu d'autre chose. Mais notre traversée du Sud de la Tanzanie (ouest-est) en train, cauchemar du claustrophobe, mérite qu'on la raconte.

    A Mbeya, au guichet de la gare, on nous explique qu'il y a 3 classes dans le train. Dans la 1ere et la 2nde, ce sont des compartiments. Ayant déjà expérimenté des conditions de transport plus que limites en Afrique, et comme la durée annoncée du trajet jusqu'à Dar-es-Salaam est de 24h, nous demandons à être installés dans un de ces compartiments. Mais O surprise, la compagnie exige que "Male and Female" y soient séparés! Le seul moyen de rester ensemble, pour nous qui n'avions prévu de nourriture et d'eau que pour ce cas de figure, est de réserver un compartiment entier ou d'aller en 3e classe, mixte. Nous choisissons cette dernière solution, car la 1ere est trop onéreuse pour nous. Les réactions des employés quand nous le leur annonçons confirment nos craintes quant aux conditions de voyage qui nous attendent.

    Mardi après-midi, nous montons avec 2h de retard dans notre wagon. A l'ouverture des portes, c'est une véritable ruée, et il faut savoir jouer des coudes. Une fois assis, nous constatons avec étonnement que nous ne sommes pas si mal installés et que le wagon n'est pas bondé. Le train se met en branle, probablement pas à plus de 30 ou 40 km/h, et nous admirons le paysage, non sans avoir pris soin de nous asseoir sur nos polaires pour adoucir le contact entre nos fesses et la banquette en bois. Le paysage est magnifique: l'immensité des plaines tanzaniennes qui se déroulent sous nos yeux est soulignée par le relief qui les borde. Nous profitons. Mais peu à peu, nous commençons à comprendre: à chaque arrêt, les passagers montent, chargés de bagages, et ne tardent pas à remplir notre wagon. L'image nous est familière, car celui-ci est plein comme un minibus africain; sauf que ces derniers ne font pas de si longs trajets... Il y en a partout: les banquettes prévues pour 3 accueillent 5 ou 6 passagers, les nombreux enfants sont assis par terre, entre les genoux. Dans l'allée centrale, les gens s'asseoient ou restent debout quand il n'y a plus de place, les bagages bouchent les trous. Si bien que, quelques heures plus tard, nous sommes littéralement coincés sur nos banquettes, pressés contre la fenêtre, avec impossibilité de se lever et d'aller aux toilettes. Durant tout le trajet, notre seul mouvement consistera à étendre nos jambes chacun notre tour. Pour couronner le tout, notre fenêtre se bloque et nous ne parviendrons à l'ouvrir que le lendemain matin. Il fait chaud, les odeurs sont insupportables, la nuit tombe et il nous reste encore 20h à tenir (en fait ce seront 25, puisque le trajet total en durera 30). Nous cherchons notre salut dans le mince filet d'air qui nous parvient encore sous la fenêtre.

    A minuit, soudain, le train s'arrête au beau milieu de nulle part et nous voyons notre locomotive s'éloigner dans la nuit. La blague! Elle ne reviendra que 6h plus tard, sans que nous sachions jamais où elle était passée. Dans l'intervalle, Thomas pense avoir passé les pires heures de sa vie. La température montait, nous ne sentions plus d'air frais, nous étions perdus dans la brousse et ne pouvions littéralement bouger un pied (sur la banquette de Tom, prévue pour 2, ils sont 4): le piège se refermait...

    Les locaux, eux, fidèles à leur habitude, ne bronchent pas et attendent. Certains parviennent même à rire. C'est d'ailleurs dans ce train que nous aurons la clef de leurs stoïcisme, qui nous étonnait tant jusque-là: ils apprennent très tôt! En effet dans le wagon, les enfants sont assis par terre ou même parfois restent debout, coincés par plus de 30 degrés entre des genoux inconnus. Pendant des heures et des heures, sans eau, sans pipi, sans pouvoir bouger, se divertir ou même dormir. S'ils bronchent, c'est la claque. Nous en entendrons, des pleurs, durant ce trajet.

    Notre récompense, bien que l'on ne sache pas dire si le jeu en valait vraiment la chandelle, nous vient mercredi après-midi, quand notre voisine, tout excitée, nous tape sur le bras en pointant du doigt la fenêtre: des éléphants! Notre train passe au sud du Parc national de Mikumi. Pendant plus de 2h, dans un paysage de savane arborée et de forêts claires, c'est un défilé de girafes, d'éléphants, de phacochères et d'antilopes. C'est magique. Tout le train est en émoi; nous en oublions nos souffrances et les puces qui nous dévorent... "On devrait apprendre la patience dans un pays étranger, car c'est là la vraie mesure du voyage. Si l'on ne souffre pas de la frustration de ses habitudes, comment peut-on être certains que l'on est vraiment en train de voyager?" Nous ne savons plus de qui est cette pensée, mais quelle clairvoyance...



lundi 10 octobre 2005    

Ecrit le lundi 10 octobre de Zanzibar

L'ILE DES ESCLAVES

    Zanzibar, c'est d'abord une traversée. Au départ de Dar-es-Salaam, vous embarquez dans un ferry qui couvre les 35 km d'Océan Indien séparant l'île du continent africain. Le visage fouetté par le vent, vous admirez de multiples petites îles aux plages de sable blanc, sur fond de palmiers, qui forment l'archipel de Zanzibar.

    Sur l'île principale, vous débarquez dans la vieille ville de Stone Town. Classée Patrimoine Mondial par l'Unesco en 2000, Stone Town c'est d'abord une ambiance. L'histoire du lieu l'a rendu très cosmopolite et le mélange des genres produit un effet qui ne laisse pas indifférent. Le meilleur moyen d'apprécier toute sa saveur, c'est de se perdre dans les multiples ruelles qui le composent. Dans la relative fraîcheur que procure l'étroitesse des rues, vous divaguez parmi les échoppes, les parfums d'encens, parfois les odeurs. Les missionnaires anglais du 19e siècle ont laissé leurs églises et les Arabes ont laissé leurs mosquées. Mais ces dernières remportent la mise, puisque 99% de la population de l'île est musulmane. C'est donc au rythme des musiques orientales et des appels à la prière que vous déambulez. La population, très diverse (Africains, Arabes, Indiens, Chinois...) est très accueillante et bien moins oppressante que sur le continent. Ils aiment à vous apprendre quelques mots de Swahili, et surtout à répéter "Hakuna Matata". Sur les étals des boutiques, les objets traditionnels africains côtoient les épices et les étoffes. Parfois, au détour d'une ruelle, vous tombez sur une des portes sculptées qui ont fait la réputation de Zanzibar. Parfois aussi, vous tombez sur une décharge envahie par les chats, qui sont pléthore sur l'île. Quelques bâtisses, aux styles architecturaux divers, méritent le détour. Il y a aussi le Vieux Fort ou le Marché.

    Si vous voulez vous baigner sur une plage de carte postale, il vous faut prendre un Dalla-dalla (transport local) pour rallier la côte est. Au sud de l'île, il y a aussi possibilité de voir des dauphins. Pour notre part, nous préférons rester à Stone Town pour nous imprégner de cette ambiance, entre Afrique et Orient. Le soir, nous ne manquons pas d'aller admirer le coucher du soleil sur la plage. C'est de toute beauté, surtout quand deux barques traditionnelles, à la voile triangulaire, se croisent juste au bon moment sur fond ocre. L'image est superbe. Une fois le soleil couché, c'est la fin du jeun en cette période de Ramadan. Entre le Vieux Fort et la mer, nous gagnons alors le "food market", où il est possible de se restaurer pour un prix dérisoire. Sur les étalages, parmi les odeurs de poisson grillé, vous pouvez choisir entre les calamars, les crevettes, les barracudas et même du requin. Il y en a pour tous les goûts. La nuit, à travers les ruelles désertes, nous rentrons sans problème à notre Guest house, car l'île est assez sûre.

    Tout au plus, en ce moment, a-t-on vent de quelques échaufourrées à l'approche des élections présidentielles en Tanzanie (fin octobre). Le parti islamique est en effet dans l'opposition depuis l'indépendance et aimerait prendre le pouvoir. Or l'île est musulmane, d'où quelques anicroches entre les policiers de l'Etat et la population locale. Mais, peut-être grâce au Ramadan, l'ensemble reste assez calme; Hakuna Matata...

THE END

    "Déjà?!" : c'est certainement ce qui vous a échappé en lisant le titre de ce mail. Eh oui demain, mercredi 12 octobre, notre avion décollera de Dar-es-Salaam pour nous ramener à la maison, après "seulement" 6 semaines en Afrique.

    "Seulement", c'est certainement ce que vous pensez, vous pour qui la vie a continué "normalement", vous pour qui le temps a du passer si vite... Mais une des choses que nous avons apprises durant nos 6 semaines en Europe, puis nos 6 semaines en Afrique, c'est que contrairement aux idées reçues, le temps passe plus lentement dans ce genre de voyage. Les journées sont tellement remplies, les expériences si variées, nous avons parcouru tant de chemin que nous avons l'impression d'avoir vécu plusieurs vies depuis ce 3 juillet où nous vous faisions nos adieux.

    Cela étant dit, nous vous devons quelques explications sur ce retour anticipé par rapport à ce que nous vous avions annoncé: un an, puis 9 mois.

    Il se trouve que la durée du voyage avait initialement été prévue pour le vélo, puis la marche. Or, vous l'aurez compris, nous avons finalement peu marché en Afrique. La chaleur, le poids de nos sacs (au-dessus de 10 kg, dans ces conditions, c'est encore trop), les étendues désertes associées à une très faible autonomie en eau et en nourriture, ont fait que nous n'avons tout simplement pas osé nous lancer dans le trekking pur et dur. Manque d'expérience, malgré la traversée de l'Europe à vélo, 1ere leçon. Car si le voyage à vélo, nous l'avons prouvé, ne nécessite pas un entraînement et une expérience particuliers (la santé et le mental suffisent), "marcher seul, sac au dos, c'est se livrer entièrement aux dangers et aux hommes" (Bernard Ollivier). En l'occurrence, c'est comme se retrouver tout nu au milieu d'un continent très difficile; et ça ne s'improvise pas. Hommage à Sonia et Alexandre Poussin.

    Notre découverte de l'Afrique s'est donc faite au rythme des bus, minibus, trains, ferrys, du stop et un peu de marche (ce que d'aucuns appellent le backpacking). C'est une autre manière de voyager mais qui, c'était important pour nous, reste authentique, au cœur de la réalite africaine. Non seulement nous avons dormi chez l'habitant, mais nous avons partagé les mêmes transports, avons subi les mêmes conditions, avons connu une des faces cachées de l'Afrique. Notre expérience aura donc été plus brève que prévu, mais peut-être aussi, dans une certaine mesure, plus complète. Car si nous avions connu, en Europe, la fatigue saine de l'effort physique, nous ignorions la fatigue psychologique, l'immense lassitude que peut procurer, à la longue, ce type de voyage. Autre leçon.

    "Celui qui a beaucoup voyagé a beaucoup appris, plus qu'il ne saurait en dire" (Livre de l'Ecclésiaste... il faut savoir varier ses sources!). Il serait donc vain pour nous, vous vous en doutez, de tenter de vous dresser un bilan complet de tout ce que nous tirons de notre aventure.
Anoma Kanie le résume assez bien cependant: "tout ce que tu m'as donné, Afrique, me fait marcher d'un pas à nul autre pareil".

    Nous ne saurions terminer sans lancer un appel au voyage. Point n'est besoin de partir au bout du monde, notre périple en Europe l'a prouvé. Point n'est besoin non plus forcément de partir pour un an, notre expérience en Afrique le montre. Point n'est besoin enfin d'être fortuné, nous en sommes la preuve. "Le voyage, c'est la part du rêve", dit Xavier Roy, mais "rêver reste du domaine de l'imaginaire, vivre c'est ressentir"(celle-là elle est de votre dévoué webmaster, "inspirée par le périple de 2 zinzins"). Un suédois rencontré sur la route s'étonnait de la faible propension de la jeunesse française à partir à l'aventure, en-dehors des sentiers battus et des tours organisés. Loin de nous l'idée de juger quiconque ou de donner des leçons, et notre avis n'engage que nous, mais nous pensons sincèrement que rien ne vaut l'expérience personnelle, bien plus riche que les voyages organisés; et c'est aussi plus démocratique. Tout cela pour vous dire, jeunes et moins jeunes, que les voies sont multiples et à la portée de tous: il suffit de trouver la sienne et de se lancer pour tracer son propre chemin.

    A vous donc de reprendre le flambeau et à votre tour de nous faire rêver... Cela nous amène à vous remercier tous, vous qui nous avez suivis et encouragés: O combien la lecture de vos petits mots dans le livre d'or nous fut salutaire dans les moments difficiles! L'aventure humaine, nous l'avons aussi trouvée sur ce site, et nous avons pris plaisir à partager notre périple avec vous.

    Quant à nous, pour l'heure, nous rentrons. Qui a dit que le vrai voyageur est celui qui ne veut pas rentrer chez lui? Pour notre part, c'est faux: car pour repartir un jour, il faut d'abord revenir. Et nous retrouverons avec joie notre famille et nos amis. Mais restez aux aguets: d'abord parce que les photos d'Afrique ne vont pas tarder à arriver sur le site, ensuite parce que nous repartirons. Nous avons encore des rêves plein la tête, autant que de souvenirs désormais, et même quelques projets bien précis... Si d'ailleurs vous souhaitez être tenus au courant d'un prochain départ, envoyez-nous un mail...

    Seule une dernière citation, vous en conviendrez, peut clôturer cette aventure: laissons donc la parole à un proverbe swahili: "de Zanzibar en repartant, n'abîme rien, car qui sait peut-être un jour reviendras-tu à Zanzibar".

Bon vent à tous, we keep in touch...

TOM et CHA